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PARIS - Les organisations considérées en France comme des sectes investissent dans le secteur de la psychothérapie et plus largement la santé, estime une mission interministérielle dans son rapport annuel.
La Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), autorité administrative créée en 1996, présente ce phénomène comme une stratégie délibérée pour diffuser les idéologies et remplir les caisses de ces groupes.
"Cette préoccupation a pris en 2008 une place véritablement prépondérante, liée à la multiplication d'offres relatives au bien-être et à l'épanouissement personnel, dépourvues de toute évaluation sérieuse, et dont certaines présentent un risque réel pour la santé", peut-on lire dans le rapport.
Le foisonnement des méthodes de psychothérapie - 200 à 400 actuellement selon le rapport - et l'extension de cette approche aux soins à la délinquance, au chômage, au stress au travail, aux victimes des catastrophes, de handicaps, avec environ trois millions de Français concernés, a donné lieu à de nombreux abus, estime le rapport.
L'intérêt pour les sectes serait notamment la "mise en état de sujétion" du patient et donc le conditionnement mental qui est à la base des techniques d'enrôlement dans les sectes.
La Miviludes, qui parle de "bulle psy", critique la pratique du "ticket psy", calquée sur celle du ticket restaurant et par laquelle les employeurs financent l'accès aux thérapies.
THÉRAPIES ALTERNATIVES
Plus généralement, sont mises en cause certaines thérapies dites "douces" ou "alternatives", dont la liste, dressée par la mission, va de "l'aromathérapie" au jeûne au passant par la "musicothérapie", la numérologie, la naturopathie, le "tarot psychologique" ou encore la "thérapie par le souffle".
La Miviludes rappelle la problématique connue de la formation des psychothérapeutes, qui ne sont que minoritairement des médecins ou des psychiatres. Un encadrement législatif du titre de psychothérapeute voté en 2004 n'est toujours pas appliqué, souligne le rapport.
La "nouvelle médecine germanique" du docteur Ryke Geerd Hamer s'est notamment développé récemment, avec des conséquences tragiques, ajoute le rapport.
Ce médecin soutient que toutes les maladies, et notamment les cancers, résultent de graves conflits psychologiques non résolus. Les adeptes refusent donc tout soin traditionnel et peuvent mourir dans de grandes souffrances.
La pratique consistant à susciter de faux souvenirs d'abus sexuels familiaux chez les patients, afin de les arracher à leur environnement et les placer en état de sujétion, est épinglée.
Les charlatans étendent leur action au domaine de la formation professionnelle, énorme secteur économique financé largement sur fonds publics. Les problèmes apparaissent notamment dans les actions de formation "liées au domaine de la santé ou du bien-être", relève le rapport.
Alors que le caractère qualifiant de ces formations n'est pas démontré et que leur évaluation est problématique, elles permettent à certaines sectes d'obtenir une forme de reconnaissance de l'Etat, via un "agrément" administratif dont elles se prévalent pour se légitimer.
La Miviludes propose plusieurs mesures d'encadrement administratif pour fermer la porte du marché de la formation aux groupements douteux. Un groupe technique ad hoc placé auprès du ministère de la Santé pourrait aussi être créé.
Le président de la Miviludes, Georges Fenech, a plaidé en présentant son rapport en faveur de la publication d'une nouvelle liste officielle des mouvements sectaires après celle de 1995 qui avait suscité une vive controverse, la définition légale de la notion de "secte" posant toujours problème.
Il s'agirait de décrire les méthodes des organisations suspectes ou ayant connu des démêlés judiciaires. La liste est prête et il ne manque que l'accord du Premier ministre pour la publier sur internet, précise Georges Fenech.