Par Annie HAUTEFEUILLE
PARIS (AFP) - Attribuer aux gènes la responsabilité de la pédophilie et des suicides de jeunes, comme l'a fait récemment Nicolas Sarkozy, est "scientifiquement non fondé" et risque d'ouvrir la voie à une forme d'eugénisme, ont mis en garde ce week-end des spécialistes médicaux.
"C'est une ineptie purement idéologique qui est totalement à côté des acquis actuels de la science et de la génétique en particulier", selon le Pr Bernard Golse, pédopsychiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades.
"Entamer une croisade sur l'aspect génétique de la pédophilie est scientifiquement non fondé", ajoute le Pr Golse, interrogé par l'AFP.
Dans un récent entretien avec le philosophe Michel Onfray paru dans Philosophie magazine, M. Sarkozy assurait "incliner (...) à penser qu'on naît pédophile". A propos du suicide des jeunes, il déclarait: "Ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité".
Assurant qu'"il n'y a pas de gène d'un destin malheureux", le généticien Axel Kahn a jugé dimanche "relativement grave" l'existence de "tout un courant qui prétend que les gènes sont tellement déterminants (...) qu'ils sont responsables de certains désordres de la société, et que par conséquent, la contrainte, les difficultés économiques, les malheurs sociaux n'y sont pour rien".
Insistant sur la liberté de l'homme et pointant le risque d'eugénisme, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, avait aussi critiqué samedi l'idée d'une éventuelle prédétermination génétique des pédophiles.
"L'idée d'une pédophilie prédictible et génétique, c'est purement renouer avec le chromosome du crime de Cesare Lambroso", criminologue italien du XIXe siècle, relève le Pr Golse.
Or, défendre l'idée d'un tel type de déterminisme est "extrêmement dangereux", met en garde Christine Bellas-Cabane, présidente du Syndicat national des médecins de la protection maternelle et infantile (SNMPMI), rappelant, elle aussi, les risques de dérives eugénistes.
Elle avait été l'an dernier, ainsi que le Pr Golse, parmi les initiateurs de la pétition "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans" s'opposant au projet, défendu par l'ex-ministre de l'Intérieur, de détection précoce de troubles du comportement pour prévenir la délinquance.
Les récents propos de M. Sarkozy renvoient aussi à une "façon très linéaire, réductrice et faussement prédictible d'utiliser la génétique", note le Pr Golse.
Or, dit-il, compte tenu des acquis de la science, on "n'est plus du tout dans une génétique causale reliant un gène et un effet comportemental", mais dans "une génétique beaucoup plus complexe, une génétique de vulnérabilité".
Avoir des "facteurs de susceptibilité, de prédisposition, cela ne suffit pas pour devenir délinquant ou se suicider, il y a des effets de rencontres avec l'environnement au sens large: relationnel, psychologique, sociologique, politique, culturel", souligne-t-il. Il n'y a, dit-il, "aucune prédiction possible parce que, par définition, les effets de rencontres sont imprévisibles, sinon notre vie serait entièrement écrite à l'avance".
En ce qui concerne la pédophilie, il n'y a "pas la moindre preuve" de gènes de susceptibilité, insiste-t-il.
Une expression comportementale est "souvent reliée à plusieurs types de facteurs qui s'entrecroisent, qui s'articulent", souligne aussi le Pr Gérard Schmidt, président du Collège de pédopsychiatrie.
"La maturation cérébrale continue jusqu'à l'adolescence" en interaction avec les expériences vécues, ajoute-t-il, mettant en garde contre toute prédiction sur la base de comportements précoces ou de caractéristiques purement génétiques.
PARIS (AFP) - Attribuer aux gènes la responsabilité de la pédophilie et des suicides de jeunes, comme l'a fait récemment Nicolas Sarkozy, est "scientifiquement non fondé" et risque d'ouvrir la voie à une forme d'eugénisme, ont mis en garde ce week-end des spécialistes médicaux.
"C'est une ineptie purement idéologique qui est totalement à côté des acquis actuels de la science et de la génétique en particulier", selon le Pr Bernard Golse, pédopsychiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades.
"Entamer une croisade sur l'aspect génétique de la pédophilie est scientifiquement non fondé", ajoute le Pr Golse, interrogé par l'AFP.
Dans un récent entretien avec le philosophe Michel Onfray paru dans Philosophie magazine, M. Sarkozy assurait "incliner (...) à penser qu'on naît pédophile". A propos du suicide des jeunes, il déclarait: "Ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité".
Assurant qu'"il n'y a pas de gène d'un destin malheureux", le généticien Axel Kahn a jugé dimanche "relativement grave" l'existence de "tout un courant qui prétend que les gènes sont tellement déterminants (...) qu'ils sont responsables de certains désordres de la société, et que par conséquent, la contrainte, les difficultés économiques, les malheurs sociaux n'y sont pour rien".
Insistant sur la liberté de l'homme et pointant le risque d'eugénisme, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, avait aussi critiqué samedi l'idée d'une éventuelle prédétermination génétique des pédophiles.
"L'idée d'une pédophilie prédictible et génétique, c'est purement renouer avec le chromosome du crime de Cesare Lambroso", criminologue italien du XIXe siècle, relève le Pr Golse.
Or, défendre l'idée d'un tel type de déterminisme est "extrêmement dangereux", met en garde Christine Bellas-Cabane, présidente du Syndicat national des médecins de la protection maternelle et infantile (SNMPMI), rappelant, elle aussi, les risques de dérives eugénistes.
Elle avait été l'an dernier, ainsi que le Pr Golse, parmi les initiateurs de la pétition "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans" s'opposant au projet, défendu par l'ex-ministre de l'Intérieur, de détection précoce de troubles du comportement pour prévenir la délinquance.
Les récents propos de M. Sarkozy renvoient aussi à une "façon très linéaire, réductrice et faussement prédictible d'utiliser la génétique", note le Pr Golse.
Or, dit-il, compte tenu des acquis de la science, on "n'est plus du tout dans une génétique causale reliant un gène et un effet comportemental", mais dans "une génétique beaucoup plus complexe, une génétique de vulnérabilité".
Avoir des "facteurs de susceptibilité, de prédisposition, cela ne suffit pas pour devenir délinquant ou se suicider, il y a des effets de rencontres avec l'environnement au sens large: relationnel, psychologique, sociologique, politique, culturel", souligne-t-il. Il n'y a, dit-il, "aucune prédiction possible parce que, par définition, les effets de rencontres sont imprévisibles, sinon notre vie serait entièrement écrite à l'avance".
En ce qui concerne la pédophilie, il n'y a "pas la moindre preuve" de gènes de susceptibilité, insiste-t-il.
Une expression comportementale est "souvent reliée à plusieurs types de facteurs qui s'entrecroisent, qui s'articulent", souligne aussi le Pr Gérard Schmidt, président du Collège de pédopsychiatrie.
"La maturation cérébrale continue jusqu'à l'adolescence" en interaction avec les expériences vécues, ajoute-t-il, mettant en garde contre toute prédiction sur la base de comportements précoces ou de caractéristiques purement génétiques.
On rappellera aux téléspectateurs, auditeurs et autres internautes qu'on peut être candidat à la présidentielle sans être scientifique. Il est pourtant dérangeant d'entendre un des principaux candidats tenir de tels propos, beaucoup plus inquiétants que des termes comme "racaille" ou le nom d'une marque de nettoyeurs haute pression.