18 juin 2005

"Il fallait chasser le démon du corps de Maricica"

LE MONDE
BUCAREST de notre correspondant

Orphelinat, monastère, crucifixion, le parcours de Maricica Cornici, 23 ans, n'aura pas été long. Le 15 juin, la jeune femme meurt au monastère orthodoxe de la Sainte-Trinité de Tanacu, un village au nord-est de la Roumanie, à la suite d'une séance d'exorcisme qui rappelle le Moyen Age.
Maricica Cornici avait la réputation d'être trop violente avec la dizaine de nones qui vivaient avec elle. Le jeune pope Petru Corogeanu, 29 ans, responsable depuis trois mois de la vie spirituelle de ce lieu de culte traditionnel et pressé de faire ses preuves, est donc passé à l'action. "Elle était possédée par le démon et il fallait chasser ce démon de son corps" , a-t-il déclaré à la police. Le 10 juin, avec l'aide de quatre nones, le pope attache les mains et les pieds de la jeune récalcitrante et l'enferme dans une cellule sombre et humide du monastère. Ce traitement ne donne aucun résultat.
Le 13 juin, avec l'aide des mêmes soeurs, il attache avec des chaînes la femme démonisée sur une croix et lui enfonce un chiffon dans la bouche pour interdire au démon de s'exprimer. Elle n'a droit qu'à quelques gouttes d'eau bénite aspergée régulièrement sur son corps, frappé à intervalles réguliers. Cependant, le démon résiste et ne se décide à s'enfuir que trois jours plus tard, dans la matinée du 15 juin, mais en prenant au passage l'âme de Maricica, trouvée morte sur la croix. "Le décès de la victime est dû à une violence corporelle très grave" , a précisé Mihaela Straub, porte-parole de la police locale.
Elevée dans un orphelinat de Deva, petite ville située à l'ouest de la Roumanie, Maricica Cornici était entrée au monastère faute de travail et avec l'espoir de trouver une vie plus décente dans le monde fermé de l'orthodoxie. Le 10 avril, elle s'était fait examiner à l'hospice de Vaslui, ville
voisine de son village. "Le diagnostic était correct, reconnaît le médecin Lelia Croitoru. Cette femme était schizophrène." Opinion partagée par le pope exorciste. "Oui, elle était malade, mais c'était une possédée, explique-t-il. Du point de vue religieux, ce que nous avons fait est absolument correct. Nous avons célébré des messes trois jours de suite pour la désenvoûter. Je ne lui ai pas cassé la tête, je ne lui ai rien cassé, sauf les mains et les pieds."
L'Eglise a qualifié ce drame d'"abominable" , mais la none Marta, comme ses autres consoeurs, a un avis tranché : "Si elle est morte, c'est parce que Dieu l'a voulu !" Le prêtre et les policiers envoyés sur place pour enquêter et arrêter l'exorciste se sont fait tabasser par les nones en colère. Seule l'intervention en force de la gendarmerie a permis l'accès au monastère, que l'Eglise orthodoxe a décidé de fermer prochainement.

Mirel Bran
Article paru dans l'édition du 19.06.05