CAROLINE DE MALET.
Le Haut Conseil de la science et de la technologie rend ses deux premiers avis.
CRÉÉ par Jacques Chirac, le Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) tenait à lui rendre ses premiers travaux avant que ce dernier ne tire sa révérence. C'est désormais chose faite. Il vient de lui remettre deux avis, l'un consacré à la politique énergétique et l'autre à la crise des vocations scientifiques. Deux thèmes de travail confiés par le chef de l'État à cette instance lors de sa mise en place le 25 septembre dernier.
Dans son avis sur « L'effort scientifique et technologique de la France en matière énergétique », le Haut Conseil fustige la politique énergétique actuelle, peu adaptée aux enjeux. L'objectif, qui figure désormais dans la loi, de réduire la consommation d'énergie du pays de 2 % par an, est irréalisable si rien ne change, a souligné le président du HCST Serge Feneuille.
Le chauffage de l'habitat (qui représente 46 % de la consommation d'énergie) et les transports (25 %) sont deux formidables gisements d'économies, insuffisamment exploités. « Il faut que la France ait une politique claire en matière de réduction des gaz à effet de serre dans l'automobile et l'habitat », a lancé son président. Si le HCST « conseille de maintenir les technologies nucléaires au meilleur niveau », il « souligne le déficit d'arbitrage entre les technologies alternatives ». Par exemple, le photovoltaïque, à ses yeux, fait l'objet d'efforts de recherche insuffisants, comparé à d'autres sources d'énergies renouvelables et compte tenu de son potentiel.
À l'inverse, il estime que « l'utilisation de l'hydrogène et des piles à combustibles pour l'automobile ne sont pas les meilleures filières pour atteindre les objectifs visés », a rapporté son président. L'organisation de ce secteur dans notre pays est éclatée entre « trop d'acteurs » et d'organismes aux « missions peu claires », ce qui « enlève de la visibilité à la question », regrette le Haut Conseil. Aussi ce dernier préconise-t-il « que l'énergie soit promue au rang de grand projet national » et suggère de créer « un grand partenariat de transition ».
Crise de la vocation
Sorte de partenariat public-privé regroupant des ministères, des organismes de recherche et des organisations non gouvernementales, cette initiative pourrait prendre pour modèle le Gavi (Alliance mondiale sur la vaccination et l'immunisation), lancée à l'initiative de la Fondation Gates et regroupant l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Banque mondiale, des gouvernements, organismes de recherche et des industriels. L'idée étant « de définir une stratégie nationale cohérente en mettant tous les acteurs autour d'une table et mettre en place une organisation nouvelle qui pousse l'État à se réformer », explique Philippe Kourilsky, ancien directeur de l'Institut Pasteur, membre du HCST et l'un des rapporteurs de cet avis.
L'autre avis du Haut Conseil, sur la crise des vocations scientifiques, met l'accent sur la nécessité d'accroître l'attractivité de la science pour les jeunes. Les facultés scientifiques ont perdu 10 % de leurs effectifs en dix ans. Partant du constat que « deux tiers des enfants ne sont exposés à aucune leçon scientifique dans le primaire », il prône une réforme de la formation des maîtres, notamment dans les IUFM.
Regrettant que la science soit vue au lycée davantage comme un sujet de sélection que de formation des élèves, il préconise une revalorisation des conditions des doctorants. Surtout, le Haut Conseil demande « la constitution d'une mission interministérielle chargée de définir une stratégie d'immigration scientifique et technique » comme cela se pratique déjà dans certains pays étrangers.
Les vingt experts, qui se réunissent en séance plénière tous les mois pour faire le point sur l'avancement de leurs travaux, ont auditionné une trentaine d'acteurs pour préparer chacun de ces avis. Il leur reste encore à plancher sur le troisième thème que leur avait soumis le chef de l'État, les grandes infrastructures scientifiques.
Créé par la loi d'orientation sur la recherche de 2006, ce comité d'experts a vocation à répondre aux demandes du président de la République ou du gouvernement, mais est également habilité à s'autosaisir de questions qu'il juge importantes. Il compte des personnalités scientifiques de renom telles que le professeur Alain Carpentier, l'anthropologue Yves Coppens, le Prix Nobel de chimie Jean-Marie Lehn, le mathématicien Pierre-Louis Lions ou le climatologue Jean Jouzel, personnalités toutes nommées par le chef de l'État.
Quel poids dans le débat politique aura cette « très jeune instance », comme la présente Serge Feneuil ? Son président ne semble pas inquiet sur la pérennité de l'institution au-delà des échéances électorales. Certains candidats à l'élection présidentielle auraient même déjà pris contact avec lui. Ce HCST rappelle les comités des Sages de l'époque gaullienne, qui ont éclairé les choix de la Direction générale de la recherche scientifique et technique (DGRST), à l'origine de la puissance nucléaire et spatiale de notre pays. Reste à savoir si cette vision centralisatrice de la recherche est toujours adaptée à notre époque et aux enjeux actuels.
Le Haut Conseil de la science et de la technologie rend ses deux premiers avis.
CRÉÉ par Jacques Chirac, le Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) tenait à lui rendre ses premiers travaux avant que ce dernier ne tire sa révérence. C'est désormais chose faite. Il vient de lui remettre deux avis, l'un consacré à la politique énergétique et l'autre à la crise des vocations scientifiques. Deux thèmes de travail confiés par le chef de l'État à cette instance lors de sa mise en place le 25 septembre dernier.
Dans son avis sur « L'effort scientifique et technologique de la France en matière énergétique », le Haut Conseil fustige la politique énergétique actuelle, peu adaptée aux enjeux. L'objectif, qui figure désormais dans la loi, de réduire la consommation d'énergie du pays de 2 % par an, est irréalisable si rien ne change, a souligné le président du HCST Serge Feneuille.
Le chauffage de l'habitat (qui représente 46 % de la consommation d'énergie) et les transports (25 %) sont deux formidables gisements d'économies, insuffisamment exploités. « Il faut que la France ait une politique claire en matière de réduction des gaz à effet de serre dans l'automobile et l'habitat », a lancé son président. Si le HCST « conseille de maintenir les technologies nucléaires au meilleur niveau », il « souligne le déficit d'arbitrage entre les technologies alternatives ». Par exemple, le photovoltaïque, à ses yeux, fait l'objet d'efforts de recherche insuffisants, comparé à d'autres sources d'énergies renouvelables et compte tenu de son potentiel.
À l'inverse, il estime que « l'utilisation de l'hydrogène et des piles à combustibles pour l'automobile ne sont pas les meilleures filières pour atteindre les objectifs visés », a rapporté son président. L'organisation de ce secteur dans notre pays est éclatée entre « trop d'acteurs » et d'organismes aux « missions peu claires », ce qui « enlève de la visibilité à la question », regrette le Haut Conseil. Aussi ce dernier préconise-t-il « que l'énergie soit promue au rang de grand projet national » et suggère de créer « un grand partenariat de transition ».
Crise de la vocation
Sorte de partenariat public-privé regroupant des ministères, des organismes de recherche et des organisations non gouvernementales, cette initiative pourrait prendre pour modèle le Gavi (Alliance mondiale sur la vaccination et l'immunisation), lancée à l'initiative de la Fondation Gates et regroupant l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Banque mondiale, des gouvernements, organismes de recherche et des industriels. L'idée étant « de définir une stratégie nationale cohérente en mettant tous les acteurs autour d'une table et mettre en place une organisation nouvelle qui pousse l'État à se réformer », explique Philippe Kourilsky, ancien directeur de l'Institut Pasteur, membre du HCST et l'un des rapporteurs de cet avis.
L'autre avis du Haut Conseil, sur la crise des vocations scientifiques, met l'accent sur la nécessité d'accroître l'attractivité de la science pour les jeunes. Les facultés scientifiques ont perdu 10 % de leurs effectifs en dix ans. Partant du constat que « deux tiers des enfants ne sont exposés à aucune leçon scientifique dans le primaire », il prône une réforme de la formation des maîtres, notamment dans les IUFM.
Regrettant que la science soit vue au lycée davantage comme un sujet de sélection que de formation des élèves, il préconise une revalorisation des conditions des doctorants. Surtout, le Haut Conseil demande « la constitution d'une mission interministérielle chargée de définir une stratégie d'immigration scientifique et technique » comme cela se pratique déjà dans certains pays étrangers.
Les vingt experts, qui se réunissent en séance plénière tous les mois pour faire le point sur l'avancement de leurs travaux, ont auditionné une trentaine d'acteurs pour préparer chacun de ces avis. Il leur reste encore à plancher sur le troisième thème que leur avait soumis le chef de l'État, les grandes infrastructures scientifiques.
Créé par la loi d'orientation sur la recherche de 2006, ce comité d'experts a vocation à répondre aux demandes du président de la République ou du gouvernement, mais est également habilité à s'autosaisir de questions qu'il juge importantes. Il compte des personnalités scientifiques de renom telles que le professeur Alain Carpentier, l'anthropologue Yves Coppens, le Prix Nobel de chimie Jean-Marie Lehn, le mathématicien Pierre-Louis Lions ou le climatologue Jean Jouzel, personnalités toutes nommées par le chef de l'État.
Quel poids dans le débat politique aura cette « très jeune instance », comme la présente Serge Feneuil ? Son président ne semble pas inquiet sur la pérennité de l'institution au-delà des échéances électorales. Certains candidats à l'élection présidentielle auraient même déjà pris contact avec lui. Ce HCST rappelle les comités des Sages de l'époque gaullienne, qui ont éclairé les choix de la Direction générale de la recherche scientifique et technique (DGRST), à l'origine de la puissance nucléaire et spatiale de notre pays. Reste à savoir si cette vision centralisatrice de la recherche est toujours adaptée à notre époque et aux enjeux actuels.