LE MONDE
L'Académie des sciences française est une institution singulière. C'est, au monde, un des derniers lieux de savoir où l'on doute encore de la cause principale du changement climatique. Un débat sur la question se tenait, mardi 13 mars à l'Institut, opposant la communauté des climatologues à des géophysiciens proches de Claude Allègre, principalement Vincent Courtillot et Jean-Louis Le Mouël. Pour ces derniers, d'autres causes que les émissions humaines de gaz à effet de serre doivent être examinées pour expliquer le réchauffement actuel.
Lesquelles ? Une multitude de paramètres externes peuvent être invoqués : variations de l'activité solaire, de l'intensité du rayonnement cosmique, des mouvements d'oscillation de la Terre sur le plan de son orbite, etc. Jean-Louis Le Mouël a ainsi tenté de corréler des indices d'activité de notre étoile - comme, par exemple, la surface des taches solaires - aux changements de température survenus au cours des XIXe et XXe siècles. Sans toutefois, à aucun moment, pouvoir mettre en lumière un lien entre le Soleil et le changement noté depuis la fin des années 1980... Le géophysicien de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a également argué du fait que les variations de l'éclairement du Soleil - au cours de son cycle de 11 ans - sont de l'ordre de 1 watt par mètre carré (W/m2). Et que, du coup, il n'est pas illégitime de comparer cette influence à celle des émissions humaines de gaz à effet de serre, estimée à 2,8 W/m2.
Ce faisant, M. Le Mouël commet une grossière erreur de calcul. La comparaison qu'il établit vaudrait si la Terre était plate, si, par surcroît, elle montrait toujours la même face au Soleil et si, pour finir, elle en absorbait tout le rayonnement incident. Hélas !, la Terre est ronde. Et elle réfléchit une part de la lumière qu'elle reçoit. Ces deux caractéristiques, notoires, rappelées dans son allocution par le climatologue Edouard Bard (Collège de France), font que la valeur de 1 W/m2 doit être réduite au moins d'un facteur cinq. Et qu'elle devient, du coup, négligeable face aux 2,8 W/m2 imputables aux activités humaines...
Dans son exposé, Hervé Le Treut, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS) a pour sa part exhibé les courbes de croissance de la température moyenne mesurée sur les quinze dernières années. La concordance de ces mesures avec les prévisions des modèles numériques, tant décriés par les disciples de Claude Allègre, valait tous les discours. "La charge de la preuve est désormais inversée", a déclaré M. Le Treut à ses contradicteurs. Ce que, d'ailleurs, n'a pas nié Vincent Courtillot, directeur de l'IPGP, admettant le caractère "ultra-minoritaire" de l'école qu'il représente.
Stéphane Foucart
L'Académie des sciences française est une institution singulière. C'est, au monde, un des derniers lieux de savoir où l'on doute encore de la cause principale du changement climatique. Un débat sur la question se tenait, mardi 13 mars à l'Institut, opposant la communauté des climatologues à des géophysiciens proches de Claude Allègre, principalement Vincent Courtillot et Jean-Louis Le Mouël. Pour ces derniers, d'autres causes que les émissions humaines de gaz à effet de serre doivent être examinées pour expliquer le réchauffement actuel.
Lesquelles ? Une multitude de paramètres externes peuvent être invoqués : variations de l'activité solaire, de l'intensité du rayonnement cosmique, des mouvements d'oscillation de la Terre sur le plan de son orbite, etc. Jean-Louis Le Mouël a ainsi tenté de corréler des indices d'activité de notre étoile - comme, par exemple, la surface des taches solaires - aux changements de température survenus au cours des XIXe et XXe siècles. Sans toutefois, à aucun moment, pouvoir mettre en lumière un lien entre le Soleil et le changement noté depuis la fin des années 1980... Le géophysicien de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a également argué du fait que les variations de l'éclairement du Soleil - au cours de son cycle de 11 ans - sont de l'ordre de 1 watt par mètre carré (W/m2). Et que, du coup, il n'est pas illégitime de comparer cette influence à celle des émissions humaines de gaz à effet de serre, estimée à 2,8 W/m2.
Ce faisant, M. Le Mouël commet une grossière erreur de calcul. La comparaison qu'il établit vaudrait si la Terre était plate, si, par surcroît, elle montrait toujours la même face au Soleil et si, pour finir, elle en absorbait tout le rayonnement incident. Hélas !, la Terre est ronde. Et elle réfléchit une part de la lumière qu'elle reçoit. Ces deux caractéristiques, notoires, rappelées dans son allocution par le climatologue Edouard Bard (Collège de France), font que la valeur de 1 W/m2 doit être réduite au moins d'un facteur cinq. Et qu'elle devient, du coup, négligeable face aux 2,8 W/m2 imputables aux activités humaines...
Dans son exposé, Hervé Le Treut, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS) a pour sa part exhibé les courbes de croissance de la température moyenne mesurée sur les quinze dernières années. La concordance de ces mesures avec les prévisions des modèles numériques, tant décriés par les disciples de Claude Allègre, valait tous les discours. "La charge de la preuve est désormais inversée", a déclaré M. Le Treut à ses contradicteurs. Ce que, d'ailleurs, n'a pas nié Vincent Courtillot, directeur de l'IPGP, admettant le caractère "ultra-minoritaire" de l'école qu'il représente.
Stéphane Foucart
Intéressant exemple de discussion sur la charge de la preuve. La théorie des émissions de gaz à effet de serre a atteint un tel degré de consensus que la charge de la preuve s'en est trouvée inversée. C'est maintenant aux opposants de cette théorie d'avancer des arguments convaincants pour dédouaner l'influence humaine. C'est l'application du principe "une affirmation extraordinaire exige une preuve extraordinaire". Simplement, c'est maintenant l'innocence de l'humanité qui paraît extraordinaire, alors que cétait l'inverse il y a seulement dix ans.