LE MONDE
Les Limbes" : tel était le titre que voulait donner Charles Baudelaire à ses Fleurs du mal. Ce mot désigne l'espace mythique au-delà du bien et du mal, ce morceau de l'enfer éternel qui serait réservé aux enfants morts sans baptême, ni élus ni damnés. Mais ce qui était hier, pour les uns, un article de foi, pour les autres, une fable terrifiante, a été aboli, vendredi 20 avril, par le Vatican.
Dans un document de sa commission théologique internationale, l'Eglise estime qu'il existe désormais "des bases sérieuses pour espérer que, lorsqu'ils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés". Elle veut en finir "avec des métaphores qui ne rendent plus adéquat le message d'espérance de la religion chrétienne".
La question remontait à l'origine du christianisme : si l'on admet que seuls les hommes baptisés sont sauvés et que tous les autres sont damnés, quel est le sort des enfants morts sans baptême ? Elle avait été tranchée au IVe siècle par saint Augustin : ces enfants innocents, mais encore "souillés" par le péché originel, sont accueillis dans ce lieu intermédiaire entre l'enfer et le paradis, appelé "limbes".
LOURD HÉRITAGE
Augustin était convaincu que l'humanité pécheresse depuis la faute d'Adam et Eve ne pouvait être rachetée que par la seule "grâce" de Dieu donnée par la foi et le baptême. On sait combien, jusqu'aux protestants et aux jansénistes, cette idée a labouré les consciences occidentales. Terrible verdict, en effet, que celui des limbes. L'agnostique Albert Camus, né comme Augustin sur la terre algérienne, disait qu'il ne pardonnerait jamais à l'auteur des Confessions d'être le "père" du péché originel, de la culpabilité des innocents et de la "damnation des enfants morts sans baptême".
Que faire d'un si lourd héritage défendu, du Moyen Age jusqu'au XXe siècle, par une Eglise manipulatrice, trop contente de faire peser la menace des limbes pour inciter les parents à faire baptiser au plus vite leurs enfants ? Sur ce point, sa réflexion théologique est enfin passée de l'intransigeance dogmatique à la miséricorde. Elle ne renonce pas au péché originel, encore moins au passage obligé par le baptême pour obtenir le salut éternel. Mais elle admet désormais que les enfants, sans possibilité de choix ni responsabilité, seront sauvés.
Henri Tincq
Les Limbes" : tel était le titre que voulait donner Charles Baudelaire à ses Fleurs du mal. Ce mot désigne l'espace mythique au-delà du bien et du mal, ce morceau de l'enfer éternel qui serait réservé aux enfants morts sans baptême, ni élus ni damnés. Mais ce qui était hier, pour les uns, un article de foi, pour les autres, une fable terrifiante, a été aboli, vendredi 20 avril, par le Vatican.
Dans un document de sa commission théologique internationale, l'Eglise estime qu'il existe désormais "des bases sérieuses pour espérer que, lorsqu'ils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés". Elle veut en finir "avec des métaphores qui ne rendent plus adéquat le message d'espérance de la religion chrétienne".
La question remontait à l'origine du christianisme : si l'on admet que seuls les hommes baptisés sont sauvés et que tous les autres sont damnés, quel est le sort des enfants morts sans baptême ? Elle avait été tranchée au IVe siècle par saint Augustin : ces enfants innocents, mais encore "souillés" par le péché originel, sont accueillis dans ce lieu intermédiaire entre l'enfer et le paradis, appelé "limbes".
LOURD HÉRITAGE
Augustin était convaincu que l'humanité pécheresse depuis la faute d'Adam et Eve ne pouvait être rachetée que par la seule "grâce" de Dieu donnée par la foi et le baptême. On sait combien, jusqu'aux protestants et aux jansénistes, cette idée a labouré les consciences occidentales. Terrible verdict, en effet, que celui des limbes. L'agnostique Albert Camus, né comme Augustin sur la terre algérienne, disait qu'il ne pardonnerait jamais à l'auteur des Confessions d'être le "père" du péché originel, de la culpabilité des innocents et de la "damnation des enfants morts sans baptême".
Que faire d'un si lourd héritage défendu, du Moyen Age jusqu'au XXe siècle, par une Eglise manipulatrice, trop contente de faire peser la menace des limbes pour inciter les parents à faire baptiser au plus vite leurs enfants ? Sur ce point, sa réflexion théologique est enfin passée de l'intransigeance dogmatique à la miséricorde. Elle ne renonce pas au péché originel, encore moins au passage obligé par le baptême pour obtenir le salut éternel. Mais elle admet désormais que les enfants, sans possibilité de choix ni responsabilité, seront sauvés.
Henri Tincq
L'aveu est plus grand qu'il n'y paraît pour le dogme chrétien. Le pêché originel n'est plus du tout originel. Si ce n'est plus un état naturel, à partir de quel moment on devient "pêcheur", selon l'Eglise? Suffit-il de ne pas commettre de pêché pour retarder sans limite le "besoin" de se faire baptiser ? Au risque d'impacter sérieusement les finances de l'Eglise. Il faut croire que l'Eglise a considéré que vu la liste de ce qu'elle considère comme des pêchés, le "besoin" se ferait sentir toujours assez vite.