(Agence Science-Presse) - Une recherche préliminaire sur les dangers du mercure se méritera la Une des journaux. La recherche complète, qui concluera quelques années plus tard qu’il n’y a pas de danger, n’obtiendra par contre aucune attention des journalistes.
On a coutume de blâmer les médias pour cette tendance à ne parler que d’un type de recherche scientifique –celui qui introduit des mauvaises nouvelles, qui suscite la controverse, qui jongle avec le sensationnel. Mais étonnamment, la littérature scientifique tombe elle aussi dans le même travers!
Imaginons par exemple que votre équipe vienne de compléter une étude concluant à l’efficacité sur des souris d’un médicament contre la tuberculose. Les plus prestigieuses revues, comme Nature ou Science, s’empresseront de la publier, une fois qu’ils auront vérifié qu’elle satisfait aux règles de l’art.
Si, à l’inverse, votre étude conclut à l’inefficacité du même médicament, peu de revues se bousculeront au portillon. Vos résultats aboutiront, au mieux, dans une obscure revue régionale. Et même là, c’est à supposer que vous vous soyez donné la peine de les coucher sur papier: les chercheurs préfèrent souvent vaquer à d’autres occupations que de passer des jours à rédiger une étude ayant abouti à des résultats négatifs.
Or, si personne n’annonce publiquement que cet agent actif (extrait d’une plante, d’une protéine animale, ou de poisson, etc.) ne fonctionne pas, d’autres chercheurs, ailleurs dans le monde, referont peut-être la même expérience, gaspillant du coup leurs efforts et leur argent.
Enfin, les compagnies pharmaceutiques accroissent le biais. Ces dernières années, plusieurs études ont démontré que les études financées par l’industrie pharmaceutique ont plusieurs fois plus de chances de publier des résultats positifs que négatifs. Quelle surprise, n’est-ce pas?
Contre tout cela, que faire? Divers groupes ont proposé, depuis aussi loin que les années 1960, un registre international des études sur les tests: tout médicament testé y serait obligatoirement recensé, que les résultats soient publiés ou non. Les compagnies pharmaceutiques, mais aussi des universités, s’y sont régulièrement opposées, craignant tantôt la lourdeur bureaucratique, tantôt le risque de dévoiler aux concurrents les expériences, encore à un stade préliminaire, qui sont menées.
De tels répertoires ont tout de même été créés, mais nationaux, institutionnels (Conseil médical de recherche des États-Unis, par exemple) ou sur une base volontaire (Current Controlled Trials).
Lueur d’espoir: en juin, l’Organisation mondiale de la santé, après des années de consultation, annonçait un répertoire des répertoire d’essais cliniques.