Communiqué de presse de
l'AFIS (27/10/05) : Selon les thèses d’un reportage diffusé sur ARTE le 29 octobre, Homo Sapiens serait né d’une «
mutation interne programmée de l’espèce » «
obéissant à une évolution inscrite dans nos gènes et transmise par l’ADN ». Plus fort : «
Une nouvelle mutation d’Homo sapiens, (...) serait en préparation, à une échelle de temps encore inconnue. »
Nous nageons bien sûr en pleine pseudoscience : aucun mécanisme n’est connu ni même imaginable qui permette à l’ADN de « programmer par avance » des mutations qui interviendront dans le futur. Le processus bien identifié est le suivant : des mutations interviennent au hasard ; certaines « marchent », d’autres pas ; puis enfin la sélection naturelle « fait le tri » entre celles qui « marchent » : il n’y a aucune place pour une « pré-sélection » de ce qui n’existe pas encore ...
La paléontologue Anne Dambricourt-Malassé, secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin, au centre de la thèse défendue dans ce documentaire, a défendu ses vues métaphysiques dans un entretien accordé à
Nouvelles Clés : « l’évolution du vivant obéit à une logique d’organisation supérieure et non au seul pur hasard : thèse paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les idées visionnaires de Teilhard de Chardin ».
Elle rencontre dans son entreprise le soutien de l’Université Interdisciplinaire de Paris et de son secrétaire général
Jean Staune pour lequel ces thèses argumentent un « processus insensible aux mutations aléatoires, aux changements du climat et de la végétation », et entrent ainsi en contradiction avec « la position de ceux qui affirment que notre existence ne saurait avoir la moindre signification ».
N’oublions pas que l’
Université Interdisciplinaire de Paris n’est pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, une université. Il s’agit d’une organisation financée par la
fondation Templeton, fondation cherchant « à développer la recherche et l’enseignement interdisciplinaires sur les rapports entre sciences de la nature et religions ».
L’Association Française pour l’Information Scientifique, par son vice-président, a alerté la chaîne publique du risque de confusion pour des téléspectateurs mal informés de la diffusion d’un tel documentaire sans mise en garde préalable de la présence de « passagers clandestins ». Le 26 octobre un communiqué a été adressé à la Presse afin d’alerter sur les risques de la propagation en plein champ télévisuel de Science Spirituellement Modifiée sans étiquetage signalétique à l’attention du public.
Par un communiqué qu’elle nous a adressé le 26 octobre, la chaîne ARTE nous a fait part que « dans le souci d’améliorer l’information du public et dans une volonté d’objectivité scientifique » elle a complété sa programmation « en soumettant à un débat l’hypothèse sur l’évolution de l’homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ?. »
Ce débat animé par Michel Alberganti, journaliste au Monde réunira :
Pierre-Henri Gouyon, spécialiste de la théorie de l’évolution, est directeur du laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution à Paris-XI ORSAY, chargé de cours à l’INRA et maître de conférences à l’École Polytechnique.
Michel Morange, est professeur de biologie à l’université Paris-VI et à l’École Normale Supérieure. Il enseigne l’histoire des sciences à l’université Paris-VII et dirige le Centre Cavaillès d’histoire et de philosophie des sciences de l’ENS.
Nous ne pouvons que féliciter la chaîne de service public ARTE pour sa réactivité et le respect du télespectateur dont elle témoigne en réalisant ce complément de programme, à l’image de la qualité de la diffusion auquel elle s’attache conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de culture, Plus d’information, de décryptage ».
Nous nous devons, de notre côté, de renouveler notre mise en garde des téléspectateurs sur le fait que le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ? caractérise une tentative d’intrusion spiritualiste dans les sciences, défendant des thèses qui ne sont pas sans rappeler celles des créationnistes et des avocats de l’Intelligent Design. Il convient donc de garder son esprit critique en éveil durant la diffusion de ce documentaire, et de ne pas zapper avant le débriefing de décryptage qui lui succédera.
Association Française pour l’Information Scientifique