22 juin 2005

Un vrai faux Saint suaire de Turin : science contre crédulité

PARIS (AFP) - La science a marqué une nouvelle victoire contre les partisans de l'authenticité du Saint suaire de Turin, une pièce de lin sur lequel se serait imprimé le corps supplicié du Christ, avec la production d'un faux possédant les mêmes qualités que l'original.
Un vrai faux Saint suaire a été réalisé à la demande du magazine Science et Vie, qui consacre un nouveau dossier à l'affaire dans son numéro à paraître vendredi pour rassembler les éléments scientifiques prouvant que ce linceul n'a jamais accueilli la dépouille du Christ.
Le Dr Jacques di Constanzo, du centre hospitalier universitaire de Marseille, a réussi à fabriquer un suaire en appliquant sur un bas-relief un tissu, puis en le coloriant à l'aide de techniques utilisées au Moyen-Age.
"Il s'agit d'une expérience visuelle qui montre qu'on peut le faire chez soi", a déclaré à l'AFP l'historien Paul-Eric Blanrue, qui devait rééditer l'expérience mardi soir devant la presse.
Le Saint suaire de Turin, un tissu de 4,36 m sur 1,10 m découvert au milieu du XIVe siècle dans la collégiale Notre-Dame à Lirey, près de Troyes, est depuis toujours l'objet d'une bataille entre ceux qui croient à son authenticité, les "sindonologues", et ceux qui en doutent.
En 1988, trois laboratoires (suisse, anglais et américain) avaient conclu après datation au carbone 14 que le tissu remontait au Moyen-Age, entre 1260 et 1390. "Les résultats au carbone 14 sont incontestables", a affirmé à l'AFP Jacques Evin, ingénieur en radiodatation qui avait participé à cette opération.
Malgré d'autres preuves scientifiques, dont le fait que la technique de tissage du suaire date seulement du XIIIe siècle et qu'aucune trace de sang n'a jamais été identifiée, les partisans de l'authenticité, dont des scientifiques fondamentalistes, n'ont pas désarmé.
Science et Vie a voulu apporter un nouvel élément en demandant à Jacques di Constanzo de réaliser un "Saint suaire" en utilisant les techniques des faussaires du Moyen-Age.
Pour ce faire, il a appliqué "un drap de lin mouillé" sur un bas-relief représentant le visage d'un homme barbu aux longs cheveux pour qu'il en "épouse les formes". Après séchage, raconte le mensuel, le tissu "est tamponné avec la solution colorée", de l'oxyde ferrique. "Des empreintes superficielles en +négatif+ du visage sont ainsi obtenues et leur cliché en +positif+ fournit des images très proches de celles du suaire", précise-t-il.
Autre fait important, souligne la revue, "l'empreinte s'est irréversiblement fixée aux fibres" : "le tissu a résisté au lavage, au chauffage à 250°". Il a été également trempé dans des acides, et "l'image n'a pas été altérée".
Selon le scientifique, ce résultat a été obtenu grâce au "liant" employé pour fixer les couleurs sur le tissu, de la gélatine riche en collagène, produit régulièrement utilisé au Moyen-Age.
Le Dr di Constanzo a tenté une autre expérience : réaliser un suaire imprimé par "vaporographie, simulant des réactions chimiques s'opérant sur le corps d'un supplicié". Or, "aucune impression n'a été obtenue", ce qui prouverait que le Saint suaire de Turin n'a pas pu être impressionné par le corps du Christ.
D'ailleurs, rappelle Paul-Eric Blanrue, dès le XIVe, le pape Clément VII avait précisé dans trois bulles que le Saint suaire n'était qu'une image et non pas un original datant du temps de la Passion. Et il ne pouvait être exposé qu'à la condition que ceci soit précisé, sous peine d'excommunication.
Tout plaide donc pour un suaire qui n'a rien de sacré. Mais, relève l'historien, "on ne peut pas convaincre tout le monde".

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