14 septembre 2006

La rumeur, un obstacle à la vaccination dans certains pays en développement

KANO, Nigeria (AP) - Les équipes sanitaires internationales qui tentent de vacciner les populations des pays les plus pauvres ont à lutter contre la rumeur. Au Nigeria par exemple, nombreux sont ceux qui croient que ces vaccins ne serviraient qu'à stériliser les petites filles.

Outre les subventions à trouver, le matériel et le personnel, les équipes de vaccination ont à faire face à ces rumeurs qui se propagent au sein de populations vulnérables, et créent un obstacle aux campagnes sanitaires urgentes. Dans une bonne partie de l'Afrique, la croyance la plus largement répandue est que ces vaccins propagent le sida.

A Kano (Nigéria), la rumeur a vu le jour en 2003: les hommes politiques locaux de cet Etat du nord, qui a adopté la charia, déclarant que le vaccin contre la polio contenait des produits stérilisants, ont suspendu la vaccination pendant un an.

Depuis, les autorités sanitaires ont désespérément cherché à convaincre le gouvernement régional et la population de l'inocuité du vaccin.

Les craintes concernant le vaccin contre la polio ont été telles que les villageois ont même fui leurs maison quand les équipes de vaccination sont arrivées.

Le coût total de cette peur au Nigeria et dans les pays où la rumeur s'est répandue est de 200 millions de dollars. Et surtout, elle a fait perdre à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et à ses partenaires au moins deux ans sur la date prévue d'éradication de la polio, a déclaré le Dr David Heymann, responsable de l'éradication à l'OMS.

Au Nigeria, des mères ont essayé de faire croire aux soignants que leurs enfants avaient été vaccinés, en leur mettant du vernis à ongle sur les doigts, tentative pour imiter les marques d'encre témoins de l'immunisation des enfants lors des campagnes de vaccination.

Au Pakistan, une pétition a récemment été envoyée à la Haute Cour de Peshawar, demandant au gouvernement de mettre fin au programme d'éradication de la polio dont le coût s'élevait à 167 million de dollars. La pétition faisait référence aux documents nigérians selon lesquels le vaccin était sensé renfermer des oestrogènes. A Quetta, des équipes de vaccination ont par le passé été reçues à coups de pierre par la population locale.

Et au Kenya, les campagnes de vaccination contre la polio ont été compromises par la peur du démon: des parents ont exprimé leurs craintes de voir leurs enfants perdre la langue par magie, au moment où ils ouvraient la bouche pour boire le vaccin oral.

Une partie du problème, selon les experts, réside dans le fait que les personnels sanitaires ont mal informé les populations locales de ces pays pauvres des réels dangers du vaccin.

Mais pour Claire Hajaj, qui travaille sur le programme d'éradication de la polio à l'UNICEF, parler des risques de la vaccination à des populations illettrées et isolées n'est pas toujours possible. Selon elle, dans les régions touchées par différentes épidémies mortelles, il est même parfois difficile de leur faire comprendre l'intérêt de la vaccination.

"Nous nous rendons dans des familles qui n'ont ni électricité, ni sanitaires. Elles voient leurs enfants mourir du paludisme ou de diarrhées. Et on leur apporte un vaccin contre la polio dont elles n'ont pas besoin", a déclaré Michael Galway, responsable de la communication de l'UNICEF sur la polio en Inde.

Sans compter que les responsables sanitaires se gardent bien de parler du risque majeur du vaccin: attraper la polio, un accident qui survient une fois sur trois millions de doses. Pour les défenseurs de l'éthique médicale, cette omission est une erreur, compte tenu des difficultés dans ce domaine. "Il n'y a aucun motif à vouloir contrôler les maladies infectieuses si vous violez le droit et la dignité des communautés", a estimé le Dr Ross Upshur, spécialiste d'éthique médicale, Université de Toronto.


D'un côté les champions de la morale médicale et de l'autre des adversaires qui n'hésitent devant rien pour les salir. Etre les deux, le virus de la polio à de beaux jours devant lui.

Entretiens de bichat. Santé. Deux chercheuses font le point sur les édulcorants, riches en idées reçues.

Souvent accusé, le faux sucre est blanchi
Par Emmanuelle PEYRET, Libération

Thema d'importance mardi matin aux entretiens de Bichat à Paris, après des mois d'été arrosés aux sodas light et autres barres glacées sucrées aux édulcorants. Ceux-ci, diversement accusés de tous les maux, entre autres de flanquer le cancer ou de faire grossir, furent disséqués par France Bellisle, chercheuse à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et Dominique Parent-Massin, professeure de toxicologie alimentaire à l'université de Brest. Le point sur quelques idées reçues.

Ça désorganise l'organisme
Quand on ingère du sucre, le pancréas, bon gars, sécrète illico de l'insuline. Du coup, depuis des années, circule la rumeur, abondamment relayée par les diététiciens, les magazines féminins et ta meilleure copine, qu'en absorbant un truc sucré à l'édulcorant, on va leurrer le corps qui va prendre le produit sans calorie pour du sucre, donc sécréter de l'insuline comme avec tout produit sucré, et du coup le corps réclamerait du sucre. Donc l'édulcorant appellerait le sucré et, partant, ferait prendre du poids. Pas du tout, rétorque la chercheuse à l'Inra, «le pancréas ne se trompe pas avec un Coca light et le cerveau non plus». La preuve par l'imagerie cérébrale, «qui n'était pas au point avant l'an dernier», poursuit France Bellisle. En 2005, «on a proposé quatre stimuli au cerveau : eau pure, glucides au goût non sucré, qu'on appelle des maltodextrines, eau avec de l'édulcorant, eau sucrée. L'hypothalamus n'a réagi qu'à cette dernière». Non, les édulcorants n'appellent pas le sucré, conclut la chercheure à l'Inra.

Ça fait maigrir
Il n'y a pas de magie, explique France Bellisle, l'édulcorant en soi ne fait maigrir personne. En revanche, dans le cadre d'un régime, si l'édulcorant signifie réduction de sucre (en clair, si tu ne compenses pas la sucrette dans le café par une religieuse) alors oui, on perd du poids. Question de bon sens. Une quinzaine d'études ont été menées sur le rapport entre édulcorant et perte de poids. Quand il y a réduction d'environ 10 % des apports énergétiques quotidiens en recourant aux édulcorants, ça représente, chez quelqu'un qui ingère en moyenne 2 200 calories par jour, une économie de 220 calories. Soit environ 200 g par semaine. Cela dit, pas besoin d'édulcorants : il suffit de supprimer le sucre.

C'est cancérigène
Cette rumeur, que l'on entend depuis des années, a été relancée l'an dernier par une étude italienne effectuée par une fondation privée, mais contredite par les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). En mai, rappelle la toxicologue Dominique Parent-Massin, l'Efsa, a conclu que cette étude ne comportait pas de données significatives et qu'elle n'était pas recevable. L'Efsa a confirmé la dose journalière acceptable, calculée selon «des protocoles établis rigoureusement, soit la dose sans effet chez l'animal le plus sensible divisée par cent» : soit 40 mg par jour et par kilo. Ce qui représente 30 canettes de soda light, ou une centaine de sucrettes par jour. Un bémol cependant à ce chant d'amour pour l'édulcorant : les études ne sont menées que sur les animaux.


Qu'on se rassure, ça n'empêchera pas les enragés du tout 'naturel' de prétendre que tous leurs maux ont été provoqués par ce diabolique ingrédient. Lorsque toute maladie est vécue comme une injustice et non une fatalité, il faut bien lui trouver une 'cause' pour donner du sens à ce qui nous arrive. Quitte à l'inventer.