22 avril 2004

Une cobaye verte et inquiète

Le test sanguin de Marie-Anne Isler-Béguin a révélé 51 substances toxiques.
Par Denis DELBECQ (Libération)

Un cocktail de molécules qui portent un nom à coucher dehors. Marie-Anne Isler-Béguin, députée européenne verte, ne connaissait que de loin ces familles de produits chimiques. Jusqu'à ce qu'elle découvre, mardi, lors d'une réunion à huis clos, la composition de son propre sang.

«Je ne sais pas si je détiens le record, on ne me l'a pas dit, mais je suis dans le peloton de tête des plus contaminés», explique-t-elle. Là où les volontaires affichent en moyenne 41 des 101 substances recherchées, le test pratiqué sur Marie Anne Isler-Béguin en a repéré 51. Avec des niveaux qui frisent, pour bon nombre de substances, le double de ce qui a été trouvé chez ses collègues, parfois même huit fois plus.

«C'est inquiétant. Je n'arrive pas à comprendre, s'interroge la députée. Je vis dans ce que je crois être un environnement sain, à la campagne, même si c'est dans une région, la Lorraine, réputée polluée par l'industrie. Les médecins qui nous ont présenté l'étude penchent pour une contamination alimentaire, ou par les vêtements. Ils m'ont demandé si je mange beaucoup de poisson, notamment d'élevage, pour expliquer mon taux de PCB. Ce n'est pas le cas. Si je réchauffe mes plats avec un film plastique au micro-ondes, pour mon taux de phtalates, mais je n'ai pas eu de tel four jusqu'à il y a quelques mois.»

Reste que personne ne peut dire si les niveaux chez les eurodéputés auront des incidences ou non sur leur santé.

«Encore faut-il chercher à le savoir, questionne Marie Anne Isler- Béguin. C'est incroyable que cela soit une ONG qui soit obligée de faire ce type d'études pour qu'on puisse avoir en quelque sorte des données de référence. C'est aux autorités, et notamment à la Commission européenne, de lancer des enquêtes.»

En attendant, la députée entend demander aux présidents des régions Lorraine et Franche-Comté de commanditer des études épidémiologiques sur leur population.


Une députée Verte beaucoup plus 'polluée' que ses collègues, l'affaire pourrait prêter à sourire si elle n'était pas aussi grave. Il est clair que les théories écologistes sont quelque peu battues en brèche par ce résultat inattendu: il montre, bien qu'un seul exemple ne soit pas significatif, que des pollutions inconnues peuvent être beaucoup plus importantes pour la santé que celles que l'ont peut éviter par un style de vie réputé "sain". L'ignorance de ces pollutions rend les écologistes aussi impuissants à les combattre que n'importe qui, et c'est ça que démontre le cas de la députée.