09 avril 2007

Gènes: les propos de Sarkozy "pas scientifiquement fondés", pour les experts

Par Annie HAUTEFEUILLE

PARIS (AFP) - Attribuer aux gènes la responsabilité de la pédophilie et des suicides de jeunes, comme l'a fait récemment Nicolas Sarkozy, est "scientifiquement non fondé" et risque d'ouvrir la voie à une forme d'eugénisme, ont mis en garde ce week-end des spécialistes médicaux.

"C'est une ineptie purement idéologique qui est totalement à côté des acquis actuels de la science et de la génétique en particulier", selon le Pr Bernard Golse, pédopsychiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades.

"Entamer une croisade sur l'aspect génétique de la pédophilie est scientifiquement non fondé", ajoute le Pr Golse, interrogé par l'AFP.

Dans un récent entretien avec le philosophe Michel Onfray paru dans Philosophie magazine, M. Sarkozy assurait "incliner (...) à penser qu'on naît pédophile". A propos du suicide des jeunes, il déclarait: "Ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité".

Assurant qu'"il n'y a pas de gène d'un destin malheureux", le généticien Axel Kahn a jugé dimanche "relativement grave" l'existence de "tout un courant qui prétend que les gènes sont tellement déterminants (...) qu'ils sont responsables de certains désordres de la société, et que par conséquent, la contrainte, les difficultés économiques, les malheurs sociaux n'y sont pour rien".

Insistant sur la liberté de l'homme et pointant le risque d'eugénisme, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, avait aussi critiqué samedi l'idée d'une éventuelle prédétermination génétique des pédophiles.

"L'idée d'une pédophilie prédictible et génétique, c'est purement renouer avec le chromosome du crime de Cesare Lambroso", criminologue italien du XIXe siècle, relève le Pr Golse.

Or, défendre l'idée d'un tel type de déterminisme est "extrêmement dangereux", met en garde Christine Bellas-Cabane, présidente du Syndicat national des médecins de la protection maternelle et infantile (SNMPMI), rappelant, elle aussi, les risques de dérives eugénistes.

Elle avait été l'an dernier, ainsi que le Pr Golse, parmi les initiateurs de la pétition "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans" s'opposant au projet, défendu par l'ex-ministre de l'Intérieur, de détection précoce de troubles du comportement pour prévenir la délinquance.

Les récents propos de M. Sarkozy renvoient aussi à une "façon très linéaire, réductrice et faussement prédictible d'utiliser la génétique", note le Pr Golse.

Or, dit-il, compte tenu des acquis de la science, on "n'est plus du tout dans une génétique causale reliant un gène et un effet comportemental", mais dans "une génétique beaucoup plus complexe, une génétique de vulnérabilité".

Avoir des "facteurs de susceptibilité, de prédisposition, cela ne suffit pas pour devenir délinquant ou se suicider, il y a des effets de rencontres avec l'environnement au sens large: relationnel, psychologique, sociologique, politique, culturel", souligne-t-il. Il n'y a, dit-il, "aucune prédiction possible parce que, par définition, les effets de rencontres sont imprévisibles, sinon notre vie serait entièrement écrite à l'avance".

En ce qui concerne la pédophilie, il n'y a "pas la moindre preuve" de gènes de susceptibilité, insiste-t-il.

Une expression comportementale est "souvent reliée à plusieurs types de facteurs qui s'entrecroisent, qui s'articulent", souligne aussi le Pr Gérard Schmidt, président du Collège de pédopsychiatrie.

"La maturation cérébrale continue jusqu'à l'adolescence" en interaction avec les expériences vécues, ajoute-t-il, mettant en garde contre toute prédiction sur la base de comportements précoces ou de caractéristiques purement génétiques.


On rappellera aux téléspectateurs, auditeurs et autres internautes qu'on peut être candidat à la présidentielle sans être scientifique. Il est pourtant dérangeant d'entendre un des principaux candidats tenir de tels propos, beaucoup plus inquiétants que des termes comme "racaille" ou le nom d'une marque de nettoyeurs haute pression.

Les bons astres font de grands vins: le "biodynamique" séduit les terroirs

SAINT-EMILION (AFP) - Influence de la lune et des planètes, "dynamisation" du sol grâce à des "préparats" aux allures d'alchimie: la biodynamie, une culture "bio" qui utilise les énergies cosmiques, séduit les viticulteurs qui y voient le moyen de révéler et protéger les terroirs.
A l'occasion de la semaine des primeurs bordelais, l'association Biodyvin, qui regroupe une quarantaine de producteurs travaillant en culture biodynamique, a organisé pour la première fois sa propre dégustation.

Biodyvin a ainsi accueilli à Saint-Emilion quelque 500 visiteurs en deux jours, du simple curieux au fin connaisseur, pour déguster les primeurs 2006 de 32 producteurs représentant toutes les régions viticoles de France.

Au Château Fonroque, premier grand cru classé labellisé "biodynamique", qui accueillait la dégustation, l'accueil du public a été "positif", sur fond de "prise de conscience" écologique, se réjouit Alain Moueix, propriétaire des lieux.

Mais c'est surtout la "qualité" des vins biodynamiques qui selon lui séduit les consommateurs: ils sont sensibles à ces vins "plus marqués par leur terroir" et "moins anonymes", insiste-t-il.

Longtemps méconnue du grand public, assimilée à des pratiques ésotériques, cette technique commence à sortir de l'ombre et devient même "un peu à la mode", portée par la montée en puissance de l'agriculture biologique, reconnaît Olivier Humbrecht, président de Biodyvin.

Excluant tout usage de substances chimiques, la biodynamie utilise des "principes énergétiques" pour "aider le sol à se régénérer", en respectant le calendrier planétaire, explique ce viticulteur alsacien qui pratique à Turckheim (Haut-Rhin) la biodynamie depuis 10 ans.

Il s'agit, pour lui, de "restaurer l'équilibre dans un milieu fortement perturbé" par le cultivateur, en favorisant une "vie plus riche" dans le sol au moyen de matières minérales et de plantes qui doivent "transmettre des énergies" à la vigne.

Des "préparats", "tisanes de plantes" vaporisées sur les cultures à doses homéopathiques, ou encore "cornes de bouses" - cornes de vaches contenant des bouses - enfouies dans le sol, en phase avec les cycles lunaires et les constellations astrales, doivent ainsi "dynamiser" le sol "pour le rendre plus nourricier".

"Le sol d'une culture où la vigne peut se nourrir elle-même peut donner un vin qui est marqué par son terroir", souligne M. Humbrecht. Cela permet en outre une "plus grande régularité de production", moins dépendante des aléas climatiques.

Pour Noël Pinguet, producteur de vin de Loire à Vouvray (Indre-et-Loire), chantre de la biodynamie depuis 20 ans, cette pratique est amenée à "se développer de manière intensive" dans les années à venir, la chimie ayant "montré ses limites".

Jean-Paul Zusselin, jeune viticulteur à Orschwihr en Alsace, une région très en avance en biodynamie, estime que cette démarche représente pour les terroirs français la chance de survivre en produisant des vins "uniques", une "alternative à la mondialisation", selon lui.

La viticulture biodynamique reste aujourd'hui très minoritaire en France, avec près de 150 domaines labellisés par deux associations, respectivement 42 par Biodyvin et une centaine par Demeter.

"Je suis convaincu du résultat par expérience. On peut faire de très bons vins en culture traditionnelle mais la biodynamie permet de faire des vins d'exception", affirme M. Pinguet.


L'agriculture "biodynamique", ou plutôt astrologique, est, rappelons-le, une des "inventions" de Rudolf Steiner, fondateur en outre de l'anthroposophie, ésotériste de choc qui n'hésita pas à affirmer aussi, en 1922, que "les cheveux blonds confèrent effectivement l'intelligence". Ce type d'agriculture ésotérique n'obtient, en réalité, pas de meilleurs résultats que l'agriculture biologique traditionnelle malgré toutes ses simagrées pseudoscientifiques.