LE MONDE, 21.02.09 19h29
On connaissait la Suisse comme patrie des laboratoires pharmaceutiques et siège de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), autant que symbole du respect de la nature et de l'hygiène. Mais la Confédération helvétique est aussi un inquiétant réservoir du virus de la rougeole.
Début janvier, le sujet était évoqué dans les colonnes du Lancet, la revue médicale britannique, avec la publication d'un travail dirigé par le docteur Mark Muscat (Statens Serum Institut de Copenhague, au Danemark). Ce dernier et son équipe ont analysé les 12 132 cas de rougeole officiellement recensés en 2006 et 2007 dans les Etats membres de l'Union européenne (UE) ainsi qu'en Croatie, Islande, Norvège, Suisse et Turquie (Le Monde du 9 janvier 2009).
Les auteurs de ce travail concluaient que, contrairement aux prévisions de l'OMS, cette infection virale hautement contagieuse ne pourrait être éradiquée à court terme en Europe. Ils observaient aussi que 85 % des cas avaient été diagnostiqués dans cinq pays : la Roumanie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et Italie ; des Etats qui n'étaient pas parvenus à obtenir, chez les jeunes enfants, le taux de 95 % de couverture vaccinale permettant d'interrompre la circulation du virus rougeoleux au sein de la population humaine.
Ce constat épidémiologique vient de prendre une nouvelle dimension après la mort, survenue fin janvier à Genève, d'une petite fille infectée par le virus. Ce décès a conduit plusieurs professionnels suisses de la santé à dénoncer le laxisme de la politique vaccinale.
RESPONSABILITÉ DE PAYS RICHE
La récente bouffée épidémique est partie de la région de Lucerne, dans le centre du pays, qui reste aujourd'hui l'un des principaux foyers infectieux. Une centaine de cas d'infection virale ont été signalés en janvier, soit deux fois plus que pendant toute une année, observe l'Office fédéral suisse de la santé publique, qui rappelle qu'au cours des deux dernières années, 3 400 cas ont été recensés, nécessitant environ 250 hospitalisations.
En Suisse alémanique, comme dans certains Länder allemands, la couverture vaccinale antirougeoleuse chez les enfants âgés de 2 ans est inférieure à 90 %. Plusieurs responsables sanitaires cantonaux dénoncent la responsabilité de la Confédération et le manque de volonté politique et financière pour contrer les actions des militants antivaccinaux. Les écoles de type Steiner ont notamment été incriminées après que celle de Crissier, près de Lausanne, a déclaré une quarantaine de cas.
Pour sa part le docteur Bertrand Kiefer, directeur de La Revue médicale suisse, estime qu'il existe aujourd'hui dans son pays "une minorité active de médecins qui refusent le vaccin et qui, contre l'évidence, mettent en doute son efficacité". Regrettant la culture "très individualiste" de la Confédération, il dénonce "une ambiance de déni scientifique" et observe que "les personnes qui refusent de se faire vacciner oublient qu'elles sont protégées par ceux qui se font vacciner". La Suisse est ainsi devenue, selon lui, "un réservoir du virus rougeoleux susceptible de réinfecter des pays qui n'ont pas les moyens de se vacciner" et qui, de ce point de vue "manque à sa responsabilité de pays riche".
Pour certains spécialistes, le moment serait venu de réfléchir à la nécessité de passer d'une simple "recommandation" à une véritable "obligation" vaccinale.
Jean-Yves Nau
Les effets néfastes de la propagande des anti-vaccinations et de la crédulité de leurs victimes apparaîssent maintenant clairement. Deux morts évitables causées en quelques mois, dans la même région. Du coup, la propagande contre l'obligation vaccinale 'risque' de se retourner contre leur auteurs, en rendant le vaccin indispensable pour juguler l'épidémie.
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