Les compléments alimentaires sont en plein boom. Paradoxe : toutes les études scientifiques prouvent que ces « alicaments » ne servent à rien. Ils sont même parfois dangereux...
La semaine dernière (du 22 au 24 mars) s'est tenu à Monaco un congrès mondial consacré à l'«anti-aging medicine» - la médecine anti-vieillissement. Laquelle se fonde largement sur l'absorption de coûteuses gélules de jouvence, compléments alimentaires et autres vitamines miracles. Pas étonnant donc que cette réunion « scientifique » ait été organisée, et sponsorisée, par les fabricants de tels produits. Or il s'y est passé quelque chose d'extraordinaire : les centaines de participants ont fait comme si de rien n'était. Ont savamment débattu des avantages présumés du «coenzyme Q10» ou des polyphénols, de l'influence des « probiotiques » sur la flore intestinale ou du métabolisme régénérant de certains acides aminés.
Alors que, depuis des mois, voire des années, toutes sortes d'études épidémiologiques et scientifiques l'ont démontré : sauf cas particuliers de carences, tous ces suppléments vitaminés mirobolants, toutes ces gélules parapharmaceutiques, toutes ces pilules ou tisanes aux allégations prometteuses... ne servent à rien - quand elles ne s'accompagnent pas d'effets nocifs. Bref, leur chiffre d'affaires a beau s'envoler (+7% l'an), il ne s'agit que d'arnaque et de poudre aux yeux. Pourtant, malgré les mises en garde des spécialistes compétents, en dépit des travaux de recherche publiés dans les plus prestigieuses revues médicales, les congressistes monégasques ont plébiscité les vertus des molécules et extraits naturels « anti-âge ».
La première suspicion concernant les compléments alimentaires était apparue en juin 2003, avec la publication en France des premiers résultats de l'étude épidémiologique dite « SuViMax », la plus gigantesque jamais menée dans ce genre, et « en double aveugle ». Pas moins de 13 000 volontaires avaient, durant huit ans, absorbé chaque matin une pilule. Soit une « vraie », soit un placebo.
Or, à la surprise de tous les spécialistes, il était apparu que les éléments antioxydants n'apportaient aucun avantage face aux maladies cardio-vasculaires. Dans un autre genre, des travaux américains publiés en octobre 2006 dans le « New England Journal of Medicine » disqualifiaient les alléchantes promesses de l'hormone «rajeunissante» du professeur Etienne-Emile Beaulieu, la DHEA. Censée au moins «améliorer la qualité de la peau et la libido des femmes de plus de 70ans», cette hormone n'a pas du tout tenu ses (vagues) promesses. Car, selon les spécialistes de la Mayo Clinic de Rochester (New York), «elle n'a pas permis d'observer le moindre effet sur les performances physiques ou sur la qualité de la vie» des personnes âgées traitées. Fin février 2007, c'est le célèbre « Jama » (« The Journal of the American Medical Association ») qui entrait en scène. Une étude de Goran Bjelakovic (CHU de Copenhague), compilant des résultats concernant pas moins de 230 000 patients, concluait très négativement sur la consommation de suppléments en vitamines et oligoéléments.
Non seulement ceux-ci ne servent à rien, mais surtout les cocktails de «bêta-carotène, vitamine E et vitamine A sont, en moyenne statistique, associés à une hausse de 5% de la mortalité»... Des études antérieures avaient déjà démontré que les gélules de calcium et de vitamine D n'étaient d'aucun secours contre l'ostéoporose, mais augmentaient le risque de calculs rénaux. Et le professeur Michel Lagarde (président de la commission métabolisme et nutrition de l'Inserm) s'alarme de voir diffuser sans contrôle dans le commerce des compléments alimentaires en vitamines C et E «à des dosages 10 ou 20 fois supérieurs aux apports nutritionnels conseillés».
La dernière initiative en date dans le combat contre les compléments alimentaires émane de l'association des consommateurs CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie). Laquelle, explique son responsable Charles Pernin, s'est livrée à une comparaison fouillée «entre les compositions de 140 produits vendus en France et toutes les publications scientifiques disponibles sur les éléments qui les composent». Une comparaison éloquente, hélas ! Car pratiquement aucun des ingrédients mentionnés sur les étiquettes ne voit ses vertus confirmées par une étude un peu sérieuse.
Qu'il s'agisse de produits «minceur», «anti-âge», «tonus», «anti-fatigue» ou encore supposés améliorer « la santé des cheveux et de la peau», on ne trouve jamais rien parmi les principes actifs qui puisse justifier les allégations imprimées sur les boîtes. Ainsi toutes les études sur le thé vert «amincissant» concluent... à sa totale absence d'efficacité sur l'homme, et la femme, bien sûr. Tout comme le chitosan, extrait des carapaces de homard et présumé inhibiteur de l'absorption des graisses.
La «peau éclatante» promise par de nombreuses spécialités à base d'huile de bourrache ? Elle repose sur une seule et même étude «menée chez une petite trentaine de patientes», qui auraient simplement cru discerner «une diminution de la perte d'eau cutanée d'environ 10%». Pour le reste, conclut la CLCV, «les vertus des compléments alimentaires ne relèvent que de l'affabulation». En ce domaine, tout n'est que tisanes ou pilules pipeau, perlimpinpin et compagnie. Avec une seule réalité, le prix : 35 euros pour une boîte de gélules censées «désintoxiquer contre les métaux lourds et les toxines», mais vous serez bien le seul à y croire.
Bien sûr, il restera toujours l'effet placebo, surtout quand on a payé très cher ses gélules inutiles. «Il n'y a pas que les compléments alimentaires. Après tout, même les pèlerinages à Lourdes réussissent à améliorer la santé de certaines personnes», dit le docteur Frédéric Saldmann, directeur de la « Revue de nutrition pratique ». Mais pour ce qui est de récolter son quota de vitamines quotidiennes, rien ne vaudra jamais mieux qu'une alimentation variée et équilibrée, insiste, comme tous les autres, ce spécialiste. Et surtout ne pas manger trop. D'ailleurs, au congrès de Monaco, il y a quand même eu une conférence intéressante. C'était sur «les vertus du jeûne»...
Fabien Gruhier
Le Nouvel Observateur
La semaine dernière (du 22 au 24 mars) s'est tenu à Monaco un congrès mondial consacré à l'«anti-aging medicine» - la médecine anti-vieillissement. Laquelle se fonde largement sur l'absorption de coûteuses gélules de jouvence, compléments alimentaires et autres vitamines miracles. Pas étonnant donc que cette réunion « scientifique » ait été organisée, et sponsorisée, par les fabricants de tels produits. Or il s'y est passé quelque chose d'extraordinaire : les centaines de participants ont fait comme si de rien n'était. Ont savamment débattu des avantages présumés du «coenzyme Q10» ou des polyphénols, de l'influence des « probiotiques » sur la flore intestinale ou du métabolisme régénérant de certains acides aminés.
Alors que, depuis des mois, voire des années, toutes sortes d'études épidémiologiques et scientifiques l'ont démontré : sauf cas particuliers de carences, tous ces suppléments vitaminés mirobolants, toutes ces gélules parapharmaceutiques, toutes ces pilules ou tisanes aux allégations prometteuses... ne servent à rien - quand elles ne s'accompagnent pas d'effets nocifs. Bref, leur chiffre d'affaires a beau s'envoler (+7% l'an), il ne s'agit que d'arnaque et de poudre aux yeux. Pourtant, malgré les mises en garde des spécialistes compétents, en dépit des travaux de recherche publiés dans les plus prestigieuses revues médicales, les congressistes monégasques ont plébiscité les vertus des molécules et extraits naturels « anti-âge ».
La première suspicion concernant les compléments alimentaires était apparue en juin 2003, avec la publication en France des premiers résultats de l'étude épidémiologique dite « SuViMax », la plus gigantesque jamais menée dans ce genre, et « en double aveugle ». Pas moins de 13 000 volontaires avaient, durant huit ans, absorbé chaque matin une pilule. Soit une « vraie », soit un placebo.
Or, à la surprise de tous les spécialistes, il était apparu que les éléments antioxydants n'apportaient aucun avantage face aux maladies cardio-vasculaires. Dans un autre genre, des travaux américains publiés en octobre 2006 dans le « New England Journal of Medicine » disqualifiaient les alléchantes promesses de l'hormone «rajeunissante» du professeur Etienne-Emile Beaulieu, la DHEA. Censée au moins «améliorer la qualité de la peau et la libido des femmes de plus de 70ans», cette hormone n'a pas du tout tenu ses (vagues) promesses. Car, selon les spécialistes de la Mayo Clinic de Rochester (New York), «elle n'a pas permis d'observer le moindre effet sur les performances physiques ou sur la qualité de la vie» des personnes âgées traitées. Fin février 2007, c'est le célèbre « Jama » (« The Journal of the American Medical Association ») qui entrait en scène. Une étude de Goran Bjelakovic (CHU de Copenhague), compilant des résultats concernant pas moins de 230 000 patients, concluait très négativement sur la consommation de suppléments en vitamines et oligoéléments.
Non seulement ceux-ci ne servent à rien, mais surtout les cocktails de «bêta-carotène, vitamine E et vitamine A sont, en moyenne statistique, associés à une hausse de 5% de la mortalité»... Des études antérieures avaient déjà démontré que les gélules de calcium et de vitamine D n'étaient d'aucun secours contre l'ostéoporose, mais augmentaient le risque de calculs rénaux. Et le professeur Michel Lagarde (président de la commission métabolisme et nutrition de l'Inserm) s'alarme de voir diffuser sans contrôle dans le commerce des compléments alimentaires en vitamines C et E «à des dosages 10 ou 20 fois supérieurs aux apports nutritionnels conseillés».
La dernière initiative en date dans le combat contre les compléments alimentaires émane de l'association des consommateurs CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie). Laquelle, explique son responsable Charles Pernin, s'est livrée à une comparaison fouillée «entre les compositions de 140 produits vendus en France et toutes les publications scientifiques disponibles sur les éléments qui les composent». Une comparaison éloquente, hélas ! Car pratiquement aucun des ingrédients mentionnés sur les étiquettes ne voit ses vertus confirmées par une étude un peu sérieuse.
Qu'il s'agisse de produits «minceur», «anti-âge», «tonus», «anti-fatigue» ou encore supposés améliorer « la santé des cheveux et de la peau», on ne trouve jamais rien parmi les principes actifs qui puisse justifier les allégations imprimées sur les boîtes. Ainsi toutes les études sur le thé vert «amincissant» concluent... à sa totale absence d'efficacité sur l'homme, et la femme, bien sûr. Tout comme le chitosan, extrait des carapaces de homard et présumé inhibiteur de l'absorption des graisses.
La «peau éclatante» promise par de nombreuses spécialités à base d'huile de bourrache ? Elle repose sur une seule et même étude «menée chez une petite trentaine de patientes», qui auraient simplement cru discerner «une diminution de la perte d'eau cutanée d'environ 10%». Pour le reste, conclut la CLCV, «les vertus des compléments alimentaires ne relèvent que de l'affabulation». En ce domaine, tout n'est que tisanes ou pilules pipeau, perlimpinpin et compagnie. Avec une seule réalité, le prix : 35 euros pour une boîte de gélules censées «désintoxiquer contre les métaux lourds et les toxines», mais vous serez bien le seul à y croire.
Bien sûr, il restera toujours l'effet placebo, surtout quand on a payé très cher ses gélules inutiles. «Il n'y a pas que les compléments alimentaires. Après tout, même les pèlerinages à Lourdes réussissent à améliorer la santé de certaines personnes», dit le docteur Frédéric Saldmann, directeur de la « Revue de nutrition pratique ». Mais pour ce qui est de récolter son quota de vitamines quotidiennes, rien ne vaudra jamais mieux qu'une alimentation variée et équilibrée, insiste, comme tous les autres, ce spécialiste. Et surtout ne pas manger trop. D'ailleurs, au congrès de Monaco, il y a quand même eu une conférence intéressante. C'était sur «les vertus du jeûne»...
Fabien Gruhier
Le Nouvel Observateur
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