Selon une étude, l'ocytocine, pulvérisée dans les narines, rendrait crédule.
Par Corinne BENSIMON
Liberation
De l'ocytocine en spray. Voilà ce qui manquait à Chirac, Hollande et tous les leaders du oui. Trois pschitts dans chaque narine du citoyen, et la méfiance était laminée, la Constitution votée, la France rassemblée. Car l'ocytocine, proprement nébulisée dans les voies nasales, suscite chez l'humain la confiance en son prochain. C'est là le résultat d'une expérience publiée aujourd'hui dans la revue scientifique Nature. Conduite à l'université de Zurich, en Suisse, fruit d'une collaboration entre neurobiologistes et économistes, elle met en lumière une base biologique du lien de confiance. Ce faisant, elle instruit le débat (émergent) sur les utilisations futures de la connaissance du cerveau humain. «Cette découverte pourrait être détournée afin d'induire des comportements de confiance que des sujets pourraient exploiter à des fins égoïstes», avertissent les auteurs. «L'alarme citoyenne face à de tels mésusages aurait dû être donnée bien avant que ne débute cette étude, commente le neurobiologiste américain Antonio Damasio. On ne peut reprocher aux auteurs de la sonner.»
Jeu de rôles. C'est donc avec une grande confiance dans les vertus du débat éthique que l'équipe suisse a scruté la physiologie de la confiance, comportement «indispensable à l'amitié, l'amour et l'organisation sociale». L'évolution aurait-elle sélectionné un stimulus biologique simple l'augmentation de la sécrétion d'une molécule, par exemple pour contrôler une attitude si vitale ? L'ocytocine (ou oxytocine), parient d'emblée les chercheurs, est la meilleure candidate. Sécrétée par l'hypothalamus, cette petite molécule dont la synthèse a valu un Nobel, il y a cinquante ans, est connue pour favoriser les contractions lors de l'accouchement et l'excrétion du lait maternel. Plus récemment, on a découvert qu'elle suscite, chez l'animal, l'attachement social entre la mère et son petit, et entre la femelle et le mâle. L'ocytocine serait-elle impliquée chez l'homme dans un semblable «lien de confiance», interindividuel ?
Oui, répondent les chercheurs après avoir proposé à des étudiants un singulier jeu de rôles.
Un jeu d'argent. D'un côté, le sujet de l'expérience : l'«investisseur», qui peut placer plus ou moins d'argent, de zéro à douze unités. De l'autre, un «banquier» qui reçoit cette somme, dont la valeur triple, et qui rend à l'investisseur ce qui lui chante. Les deux ne se voient pas. Le jeu ne se joue qu'une fois. Vingt-neuf investisseurs reçoivent avant la partie trois pulvérisations d'ocytocine dans chaque narine (dosages normaux d'une préparation de Novartis destinée aux maternités). Vingt-neuf autres reçoivent un placebo. Plusieurs groupes ont défilé. Résultat : 45 % des «investisseurs» sous ocytocine ont choisi de faire une mise maximale, contre 21 % dans les groupes placebo.
«Remarquable». «Une administration intranasale d'ocytocine provoque une augmentation substantielle du comportement de confiance», concluent Ernst Fehr et son équipe, après avoir éliminé une série d'hypothèses susceptibles de biaiser leur observation.
«Une découverte remarquable», estime Antonio Damasio avec un enthousiasme que tempère le neurobiologiste de la toxicomanie, Pier-Vicenzo Piazza (Inserm, Bordeaux) : «La question est de savoir si cette expérience permet de cerner ce que l'on appelle la "confiance". Il faudrait tester d'autres situations.»
En attendant de savoir si un déficit français en ocytocine est un des ressorts du non référendaire, un groupement d'instituts de recherche européens s'apprête à poser aux citoyens de l'UE la question de confiance sur les neurosciences (1) : «L'utilisation de substances chimiques pourrait conduire à améliorer, altérer, voire contrôler les facultés mentales. Quel usage doit-on faire des nouvelles connaissances sur le cerveau ?» A débattre sous ocytocine.
(1) Projet «Meeting of minds», soutenu par la Cité des sciences et de l'industrie.
Par Corinne BENSIMON
Liberation
De l'ocytocine en spray. Voilà ce qui manquait à Chirac, Hollande et tous les leaders du oui. Trois pschitts dans chaque narine du citoyen, et la méfiance était laminée, la Constitution votée, la France rassemblée. Car l'ocytocine, proprement nébulisée dans les voies nasales, suscite chez l'humain la confiance en son prochain. C'est là le résultat d'une expérience publiée aujourd'hui dans la revue scientifique Nature. Conduite à l'université de Zurich, en Suisse, fruit d'une collaboration entre neurobiologistes et économistes, elle met en lumière une base biologique du lien de confiance. Ce faisant, elle instruit le débat (émergent) sur les utilisations futures de la connaissance du cerveau humain. «Cette découverte pourrait être détournée afin d'induire des comportements de confiance que des sujets pourraient exploiter à des fins égoïstes», avertissent les auteurs. «L'alarme citoyenne face à de tels mésusages aurait dû être donnée bien avant que ne débute cette étude, commente le neurobiologiste américain Antonio Damasio. On ne peut reprocher aux auteurs de la sonner.»
Jeu de rôles. C'est donc avec une grande confiance dans les vertus du débat éthique que l'équipe suisse a scruté la physiologie de la confiance, comportement «indispensable à l'amitié, l'amour et l'organisation sociale». L'évolution aurait-elle sélectionné un stimulus biologique simple l'augmentation de la sécrétion d'une molécule, par exemple pour contrôler une attitude si vitale ? L'ocytocine (ou oxytocine), parient d'emblée les chercheurs, est la meilleure candidate. Sécrétée par l'hypothalamus, cette petite molécule dont la synthèse a valu un Nobel, il y a cinquante ans, est connue pour favoriser les contractions lors de l'accouchement et l'excrétion du lait maternel. Plus récemment, on a découvert qu'elle suscite, chez l'animal, l'attachement social entre la mère et son petit, et entre la femelle et le mâle. L'ocytocine serait-elle impliquée chez l'homme dans un semblable «lien de confiance», interindividuel ?
Oui, répondent les chercheurs après avoir proposé à des étudiants un singulier jeu de rôles.
Un jeu d'argent. D'un côté, le sujet de l'expérience : l'«investisseur», qui peut placer plus ou moins d'argent, de zéro à douze unités. De l'autre, un «banquier» qui reçoit cette somme, dont la valeur triple, et qui rend à l'investisseur ce qui lui chante. Les deux ne se voient pas. Le jeu ne se joue qu'une fois. Vingt-neuf investisseurs reçoivent avant la partie trois pulvérisations d'ocytocine dans chaque narine (dosages normaux d'une préparation de Novartis destinée aux maternités). Vingt-neuf autres reçoivent un placebo. Plusieurs groupes ont défilé. Résultat : 45 % des «investisseurs» sous ocytocine ont choisi de faire une mise maximale, contre 21 % dans les groupes placebo.
«Remarquable». «Une administration intranasale d'ocytocine provoque une augmentation substantielle du comportement de confiance», concluent Ernst Fehr et son équipe, après avoir éliminé une série d'hypothèses susceptibles de biaiser leur observation.
«Une découverte remarquable», estime Antonio Damasio avec un enthousiasme que tempère le neurobiologiste de la toxicomanie, Pier-Vicenzo Piazza (Inserm, Bordeaux) : «La question est de savoir si cette expérience permet de cerner ce que l'on appelle la "confiance". Il faudrait tester d'autres situations.»
En attendant de savoir si un déficit français en ocytocine est un des ressorts du non référendaire, un groupement d'instituts de recherche européens s'apprête à poser aux citoyens de l'UE la question de confiance sur les neurosciences (1) : «L'utilisation de substances chimiques pourrait conduire à améliorer, altérer, voire contrôler les facultés mentales. Quel usage doit-on faire des nouvelles connaissances sur le cerveau ?» A débattre sous ocytocine.
(1) Projet «Meeting of minds», soutenu par la Cité des sciences et de l'industrie.
Molécule très utile à vaporiser à hautes doses pour tous les négociateurs de paix !
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